Résumé :
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Accueillir un enfant en service de soins, c’est idéalement aussi accueillir ses parents et l’histoire des liens tissés au sein des triades générationnelles maternelles et paternelles constituées par le grandparent, le parent et l’enfant. Poser un regard critique sur les manquements parentaux est courant, mais ne permet pas d’aider la famille à avancer. Prendre le temps de questionner la triade paternelle, par exemple, permet souvent d’éclaircir les situations. Comme le souligne le pédopsychiatre Maurizio Andolfi, « relier constamment père et fils à la troisième génération permet de trouver des espaces de médiation et d’entente impensables sans cela » 1 . Devenir père est donc une expérience du présent qui s’articule avec le passé et colore l’avenir. Ce changement de place dans la succession des générations peut être complexe, certains pères ne peuvent y accéder sans une aide patiente et bienveillante. « En trente ans de travail avec les enfants, je n’ai jamais trouvé de résistances de la part des pères, ni un refus à participer à la thérapie, simplement il fallait un temps différent et des modalités différentes de celles utilisées avec les mères et la fratrie » , indique Maurizio Andolfi 1. Le “devenir père” peut engendrer une confrontation à des vestiges douloureux et demander un lourd travail d’élaboration. « J’avais fugué pour fuir l’enfant dans le ventre de sa mère, il allait faire de moi un père, un adulte, il m’obligeait à panser mes blessures, à accepter le doute, à avancer enfin. Il réclamait ma joie mais il avait réveillé ma douleur » , écrit le peintre Gérard Garouste 2 . À l’image du saumon qui remonte la rivière pour se reproduire, le parent effectue, comme l’écrit Alberto Konicheckis, sa propre « montaison » lorsqu’il « rebrousse le chemin de la succession trans- et intergénérationnelle pour à la fois retrouver et recréer ses propres origines » 3 . Une étape bouleversante pour certains, plus tranquille pour d’autres, quand le passé ne brouille pas trop les pistes.
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